Une affiche lauréate refusée pour le Laetare

Dans la région du Centre, on sait que tout ce qui touche au carnaval peut se révéler sensible et que les polémiques naissent parfois d’un rien. A La Louvière, même si le monde du folklore est moins chatouilleux, une polémique n’est pas exclue et voici que nous allons vous conter celle qui concerne l’affiche du prochain Laetare

Les affiches annonçant le Laetare et les carnavals de l’entité font d’habitude l’objet d’un concours ouvert aux artistes et à tous ceux qui se sentent inspirés. Pour désigner celle qui fera la une pendant trois années, un jury est constitué. Y siègent, entre autres, des membres de l’administration et le président de l’amicale des sociétés carnavalesques. La cellule animation de la cité le préside, cellule elle-même chapeautée par l’échevin du folklore, juré et gille au demeurant.

Voici que s’annoncent les festivités de 2023, la ville n’a pas le temps d’organiser le concours dans sa formule habituelle. Alors, le collège charge tout simplement les trois graphistes du Service Communication de faire des propositions.

Choix unanime du jury

Malgré tout, le jury a été sollicité et il a donc œuvré comme à son habitude en élisant une affiche pour le Laetare et une affiche pour les carnavals de l’entité. Parlons ici de l’affiche du Laetare. Le choix du jury a été unanime et, vérification faite auprès de plusieurs de ses membres, elle plaisait beaucoup. Originale mais pas trop, différente mais sympathique, un style BD bon enfant. Colorée sans rester dans les codes connus. “A La Louvière, on peut quand même se permettre de sortir un peu des sentier battus” nous ainsi confié un des jurés. D’autant que cette affiche n’était pas destinée à s’exposer trois ans mais une seule année. Rappelons encore que les membres du jury sont pratiquement tous des acteurs du carnaval.

Refus du collège communal

La suite interpelle car les deux affiches plébiscitées par le jury ont été présentées au collège et plutôt que de suivre l’avis unanime des jurés, le collège a recalé celle destinée à illustrer le Laetare. A ce stade, on sait que c’était loin d’être une décision unanime. En outre, les membres du jury n’ont pas été à la fête lorsqu’ils ont été prévenus. Sollicités, plusieurs d’entre eux nous ont indiqué qu’ils appréciaient vraiment le projet initialement retenu. Vérification a été faite auprès de plusieurs sources, politiques comme folkloriques mais, signe du malaise, seuls trois d’entre eux ont accepté de s’exprimer clairement et tous demandent à n'être pas cités. Mais le refus de l’affiche lauréate en collège est confirmé sans le moindre doute !

Plus interpellant, lors de la conférence de presse de présentation des carnavals de l’entité, ce vendredi soir, les deux affiches finalement retenues ont été présentées au public par Laurent Wimlot, un échevin du folklore qui n’a pas hésité (quoiqu'on le devine gêné aux entournures) à les étiqueter “choix du jury”. Voilà qui ajoute au mécontentement de ce dernier (une bonne partie en tout cas) et à la maladresse du politique louviérois. Et surtout, c’est la première fois que les élus interviennent dans la décision d’un jury qu’ils ont eux-mêmes constitué. Une décision qui a aussi provoqué un certain émoi au sein des services communaux concernés. Un jury avait voté, ce n’était pas un simple avis consultatif. Les arguments officiels ont été présentés à posteriori bien sûr : l’affiche ne respecte pas les codes couleurs, elle manque de lisibilité, elle risquait de faire réagir le citoyen car trop particulière.

Quant à l’affiche représentant les carnavals de l’entité, elle n’a fait l’objet d’aucune remarque. Elle apparaît comme la petite sœur de l’affiche du Laetare, deux œuvres très classiques auxquelles on ne peut reprocher que leur classicisme justement.

Entendons-nous bien, l’affaire n’est ni grave ni même essentielle pour l’avenir de la ville et la tenue des carnavals, elle n’en reste pas moins révélatrice d’un esprit, d’une méthode. En tout cas, et dans les cercles du folklore et de la politique, elle fait réagir.

Nathalie Roland