Strépy-Thieu : les travailleurs se souviennent
Publié le 31 août 2022 à 14:56Pour faire sortir de terre l'ascenseur, de très nombreux travailleurs ont œuvré pendant plus de deux décennies que ce soit sur le chantier même ou dans les usines où les pièces nécessaires étaient manufacturées. Audrey Decroës, Charles Sauvage et Carlo Schirosi ont retrouvé quelques-uns de ces ouvriers au pied de l'édifice sur lequel ils ont d'une manière ou d'une autre laissé leur empreinte.
L'ascenseur de Strépy, un ouvrage d'art qui représente une partie importante dans la vie de Daniel, de Philippe, d'Umberto et de Michel. Ces quatre hommes ont en effet participé d'une manière ou d'une autre à la construction de l'édifice. Pour trois d'entre eux, cela se passe dans les hangars des ABT, entreprise ayant en charge la manufacture des éléments mécaniques, mission qui a profondément marqué, et cela dès les premiers instants.
« On faisait des petites pièces au départ, mais quand on a vu ces tambours arriver de 50 tonnes. 50 tonnes, comment va-t-on pouvoir travailler sur ces pièces. La grandeur de ce bâtiment ! Les pièces que nous faisions, c'étaient des pièces immenses » expliquent Michel et Umberto, deux anciens travailleurs des ABT.
Tambours, routes de passages réducteurs, fixations ou encore rainures à clavette. Le gigantisme, la spécificité et la précision des pièces nécessaires font que l'entreprise fonctionnera, non sans quelques déboires, du début à la fin du chantier.
« Tant que le chantier n’était pas terminé, nous, on continuait à gagner de l'argent. Puisqu’après ce chantier, l’entreprise on a eu beaucoup de difficultés. On a eu six fermetures et avec ce travail qui était l'ascenseur, ça nous a permis d'être repris par plusieurs sociétés. Comme ça, on a pu continuer notre travail » racontent Philippe et Michel, deux anciens ouvriers des ABT.
Les ouvriers iront d'ailleurs jusqu'à prendre en otage leur fabrication afin d'éviter une énième faillite. Un petit tour de passe-passe qui a porté ses fruits.
« Pour qu'on ne ferme pas, on a pris un engrenage et on l'a mis en face de l'entreprise et on l'a découpé au laser. Et on a dit, si ça continue, on va faire la même chose avec toutes les autres pièces » ajoute Michel.
L'engrenage en question n'était en fait qu'une pièce d'essai. Pas question pour les travailleurs de véritablement endommager leur si chère production. Pour Daniel, c'est une autre histoire. Fraîchement diplômé, à seulement 17 ans qu'il débarque sur le chantier de l'ascenseur en 1991. Et au milieu de quelques centaines d'ouvriers. Il apprend le métier, non sans une certaine dose d'appréhension.
« J'ai vu des acrobates travailler sur des charpentes suspendues dans le vide. À califourchon sur des poutrelles en train de boulonner des bouts de poutrelles qui pesaient des tonnes et avec rien comme sécurité alentour. Ça me faisait un petit peu peur de voir ça » se rappelle Daniel, un ouvrier du chantier.
La construction de l'ascenseur est ainsi jalonnée d'histoires, de souvenirs, d'anecdotes, mais aussi marquées par un seul et même sentiment partagé par les quatre hommes.
« J'emmène des amis ici, je leur montre que moi, j’ai travaillé pour faire ça. Pas tout mais bon, une petite partie. C'est vraiment je vais dire un point d'honneur d'avoir fait ces pièces pour que cet ouvrage permette à ces bateaux, ces immenses bateaux, de traverser, de traverser notre belle région. Ça reste une fierté pour moi d'avoir mis la main sur l'ascenseur. Il y a un petit pincement au cœur. On a quand même bien travaillé. Il est debout » concluent les quatre travailleurs.