La carte blanche de Franco Dragone
Publié le 20 avril 2016 à 21:27 - Mis à jour le 07 mai 2019 à 09:09 mer 20/04/2016 - 21:27
La carte blanche de Franco Dragone
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Carte blanche de Franco Dragone publiée entre autres sur le site de La Libre Belgique. http://www.lalibre.be/debats/opinions/franco-dragone-je-n-ai-rien-a-cacher-pas-plus-hier-qu-aujourd-hui-5717c60235708ea2d4bc8b3d"Il y a peu, un ami m’a donné à lire le dernier essai de Michel Claise, Le club des Cassandre, sur la fraude fiscale. Il était assis à côté de moi, dans l’avion. J’ai commencé à lire l’essai et je lui ai dit : "Je suis entièrement d’accord avec l’auteur. Je ne supporte pas la fraude". Il n’a pas ri, parce qu’il savait que c’était vrai.Non, je ne suis pas cynique. Je ne l’ai jamais été, pas plus que je ne suis un fraudeur. Je l’ai dit à plusieurs reprises et je sais que je devrai le répéter encore : si des droits d’auteur sont payés à partir de sociétés étrangères, c’est parce que des consultants fiscaux, de renommée internationale, me l’avait conseillé pour garantir aux centaines de personnes engagées sur les spectacles, venant de dizaines de pays différents, qu’ils toucheraient la somme qui leur était due. Ensuite, il appartient à chacun d’eux de déclarer leurs revenus dans leur pays de taxation.Des journalistes, en association avec un consortium mondial de journalistes d’investigation, viennent de rendre public les résultats d’une enquête exceptionnelle, semble-t-il. Je ne peux que saluer ce travail, qui dénonce un monde devenu fou. Un monde qui marche sur la tête, gouverné par des gens qui n’ont qu’une obsession : gagner toujours plus. Ce n’est pas mon cas, et ce ne le sera jamais. J’en entends certains ricaner ; c’est vrai que pour eux, je suis "Franco le mégalo", le riche, avec sa gueule de mafioso, son train de vie bling-bing, déconnecté de la "vraie vie" à force de fréquenter des lieux artificiels comme Vegas ou Macao…Je regrette cependant que la presse, pour promouvoir les fruits de ce remarquable travail d’enquête, ait succombé à la facilité. Bien sûr, c’était plus vendeur de me mettre en tête d’affiche, même si l’enquête ne révèle rien de neuf par rapport à ce que la presse a déjà publié depuis plusieurs années, et que je viens de rappeler. Soit. On dira que la société de spectacle a dicté ses règles même à la presse, et je dois être le dernier à le blâmer, puisque j’en vis.J’en vis, mais je fais vivre aussi des centaines de personnes. Des milliers, dont un certain nombre ici, à La Louvière. Je vous prie de m’excuser, mais j’aimerais rappeler ceci : on peut créer des spectacles et être un citoyen engagé. On peut raconter des histoires et défendre des valeurs.En m’utilisant comme "tête de gondole" ou "tête de Turc", la presse, malheureusement, défausse la force de son travail. Et complique encore un peu ma tâche, rendue déjà très difficile par d’autres facteurs. Je m’en suis expliqué auparavant, et quiconque le souhaite peut vérifier que je n’ai failli à aucun de mes devoirs vis-à-vis du fisc ou des administrations belges. Les aides que j’ai perçues sont dérisoires : moins de 500.000 € en quinze ans. Les prêts ? 5 millions, au taux du marché, remboursés ou en voie de l’être, selon les agendas de remboursement fixés avec la SRIW. Dois-je rappeler les milliards que d’autres ont reçus sans respecter les conditions posées pour la mise à disposition de ces sommes ?Le groupe Dragone développe 85 % de ses activités à l’étranger, articulées autour d’une organisation transparente d’entités parfaitement légales, connues et déclarées. Je n’ai jamais fraudé et je récuse catégoriquement toutes les accusations qui prétendent l’inverse. Je laisse la justice faire son travail sereinement ; j’aimerais tellement qu’on en fasse de même avec moi…Ce travail nécessite de la discrétion, en plus de la sérénité.On me reproche aujourd’hui de n’avoir pas publiquement avoué que j’étais finalement inculpé dans le cadre de l’enquête en cours depuis plusieurs années.Quand je suis sorti du bureau du juge, il ne m’avait pas inculpé. Il m’a d’ailleurs permis de répondre au journaliste qui m’attendait à la sortie du palais de justice.Ce n’est que des semaines plus tard que l’inculpation est tombée et fut signifiée à mon avocat, par écrit à son bureau. J’ai voulu, à l’époque, publier une carte blanche dans laquelle je révélais cette inculpation, mais mes conseillers me l’ont interdit, car cela aurait pu entraver le bon fonctionnement de la justice. Je leur ai obéi ; aujourd’hui que des fuites ont eu lieu – et il faudrait vraiment s’interroger sur leur origine –, je le regrette. J’ai d’ailleurs porté plainte.Mais dites-moi pourquoi j’aurais dû rendre cela public, alors que la justice ne le souhaitait pas ? Pourquoi n’ai-je pas le droit, tant que faire se peut, de me protéger un peu, et avec moi ma famille, mes proches, mes employés ? Et savez-vous que, tout simplement, une inculpation n’est pas une condamnation ? Dois-je vraiment rappeler ce principe fondamental du droit ? Une inculpation, c’est la suite normale d’un travail d’instruction et c’est de surcroît le seul moyen de rendre le dossier accessible à la défense.Pendant quinze ans, j’ai essayé de contribuer à la relance d’une région où les capitaines d’entreprise avaient été, jusque là, des forbans enfuis avec la caisse. Les pouvoirs publics ne m’ont jamais beaucoup aidé et quoi qu’on dise, je n’ai pas d’amis politiques. Malgré les avertissements et les conseils de proches qui me poussaient à renoncer, je ne me suis pas découragé. J’ai réinvesti l’essentiel de mes royautés déjà taxées, pour maintenir la compagnie à flot. Cela m’a coûté 15 millions. Un million par an. Vous pouvez vérifier. Si c’est ce que l’on appelle de la "fraude fiscale", il faudrait souhaiter qu’il y ait beaucoup plus de fraudeurs.Un des malheurs de notre pays, c’est qu’on n’y pardonne pas la réussite, et surtout pas celle des artistes. Un "grand" artiste doit rester pur, et la pureté est inversement proportionnelle à sa renommée. J’ai un tort : compter plus de 85 millions de spectateurs. Et si en plus on lui colle l’étiquette de fraudeur international…Le mal est fait. On dira que je suis "un dommage collatéral". S’il n’y avait que moi… mais il y a mes employés, mes partenaires. À cette campagne de dénigrement, s’ajoute la mauvaise gestion de la direction de ma compagnie, au cours des trois dernières années, que je n’ai découverte que trop tard. Et des clients majeurs qui n’ont pas payé leurs factures. Notre situation financière est mauvaise et la confiance est mise à mal, auprès des partenaires existants ou potentiels, des banques, de nos employés, du public. C’est la raison pour laquelle, comme vous le savez, ma société Productions du Dragon a introduit une requête en redressement judiciaire, pour tenter une dernière fois de sauver cette structure et l’emploi qui lui est lié.Je laisse les cyniques, les sceptiques et les courts-penseurs ricaner. Je laisse aussi les anciens dirigeants de Productions du Dragon répandre aujourd’hui leurs fausses vérités dans la presse, en se parant du voile de l’innocence. J’en ai assez d’être une marionnette, d’être utilisé par les uns ou les autres. Que la presse et la justice fassent leur travail, je n’ai rien à cacher, pas plus hier qu’aujourd’hui.Je ne vais pas faire de grandes phrases ; je vais juste, une dernière fois, respirer profondément, retrousser mes manches et remonter sur le ring. Pour mes employés, pour mes partenaires, pour le public. Pour moi aussi. Peut-être même : d’abord, enfin pour moi."
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Posté par: Anonyme (non vérifié)
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