Justice : quand le grand banditisme défie l'Etat
Publié le 28 novembre 2022 à 15:32« Quand le grand banditisme défie l’Etat, la société est-elle en danger ? » la question a été posée ce vendredi soir à La Louvière lors d’une conférence organisée par la section locale de l’extension de l’ULB. Initialement invité à répondre à cette question, le procureur fédéral a dû se faire remplacer. C’est son collègue, Raphaël Malagnini, lui aussi magistrat au parquet fédéral qui a tenu l’exposé.
Voilà 20 ans que le parquet fédéral a été créé, suite aux échecs cinglants des enquêtes sur les Tueurs du Brabant et l’affaire Dutroux. Aujourd’hui il coordonne les actions locales et internationales sur le terrain et dans les instances, spécialement compétent en matière de terrorisme, trafic de stupéfiants et de banditisme. Un banditisme qui en 20 s a fortement évolué. Raphaël Malagnini, Magistrat fédéral :
« C'est très difficile de donner une définition ou un profil de membres d'organisations criminelles. Ça peut être votre voisin qui tout à coup, parce qu'il a des compétences informatiques très spécialisées, va se lancer dans du hacking et par exemple, revendre sur le marché le darknet des kits. Permettant d'attaquer un hôpital, une école. Et là, on entre déjà dans une forme au sens juridique du terme, une forme d'organisation criminelle. On constate aussi une forme de spécialisation entre les différentes structures criminelles. Donc finalement, comme dans le monde de l'entreprise, certains groupes vont se spécialiser dans l'importation de stupéfiants et la revente de stupéfiants. Ils vont avoir besoin d'armes pour assurer leur sécurité. Ils vont se tourner vers une organisation criminelle spécialisée dans le trafic d'armes… C'est une forme de professionnalisation et de spécialisation des structures criminelles. Ça, c'est vraiment la grosse évolution qu'on peut noter au cours des dernières années. »
En septembre dernier, la tentative d’enlèvement du Ministre de la Justice a démontré une inquiétante réalité. Celle d’une criminalité bien présente chez nous. Raphaël Malagnini nous met donc en garde : attention à ce point de basculement vers une société phagocytée par la criminalité qui maîtriserait l’économie réelle.
« L'économie réelle de ce que je constate actuellement n'est pas encore de manière trop importante pénétrée par l'économie souterraine, mais le danger de pénétration est là et c'est pour ça que j'ai évoqué un point de bascule. C'est vraiment là qu'il faut être attentif. A partir du moment où ces organisations auront pris le contrôle de structures plus officielles, penser à une structure de gestion de déchets, par exemple. Nous aurons de graves problèmes. Si vous êtes patron d'une entreprise, vous voudrez obtenir un marché public. La concurrence risque d'être faussée par des mécanismes de corruption. Ils ne reculeront pas devant la corruption, mais ne reculeront pas non plus devant des menaces physiques, que ce soit vis à vis de leurs concurrents ou vis à vis de l'autorité qui est censée décider.Donc, vraiment, nous avons collectivement intérêt à être extrêmement attentifs à cette situation. »
La séance d'information a tenu toutes ses promesses. La toute grande foule était présente.
Th. Catteau